| Les deux jeunes femmes étaient donc seules dans la tente de l’officier inconscient, ne restait plus qu’à l’amener au point de rendez-vous avez Mina le plus rapidement possible. Et c’était là que ça se corsait : les gardes étaient très nombreux, et entouraient la tente, dans un cordon de sécurité quasiment impénétrable. Ce qu’il fallait à présent était une nouvelle diversion, qui leur laisse le temps de soulever le lourd officier, et de le transporter, ce qui n’était pas évident du tout pour deux jeunes femmes comme elles. Il fallait réfléchir vite, très vite, et cette fois, au grand étonnement de l’une comme de l’autre, ce fut Stella qui eut l’idée. Il faut dire qu’en vivant dans les taudis, ils faisaient quasiment partie de son quotidien, et elle en avait vu pas mal faire des dégâts à la fois sur le matériel et sur les gens… vu quoi vous demanderez-vous ? Ce qu’on appelle communément des cocktails Molotov, ces sortes d’explosifs faits à partir d’une simple bouteille d’alcool. Et des bouteilles d’alcool, ce n’était pas ce qui manquait sous la tente du gradé de la Corporation… Après les félicitations de Roxane à propos de cette idée, qui firent rougir la jeune infirmière, les Turks se mirent bien vite au travail, arrachant des bouts de tissu le plus silencieusement possible. Stella s’était rapprochée de Roxane durant cette mission, cette dernière étant devenu son mentor en matière de séduction, et la jeune femme à lunettes ne voulait pas lui manquer de respect, mais lorsque la pulpeuse jeune femme de 19 ans eut vidé deux ou trois bouteilles d’alcool inutilisables, en disant qu’il était dommage de gâcher, Stella prit son courage à deux mains et finit par exprimer son désaccord, en des termes qui ressemblaient fort à une leçon de morale. S’attendant à quelques foudres de la part de Roxane, elle fut étonnée que cette dernière se contente d’un "oui maman" sarcastique et termine sa tâche sans discuter. Avait-elle gagné le respect de Roxane ? Peut-être bien… Maintenant que les bouteilles étaient prêtes, il fallait savoir où les envoyer pour qu'elles fassent le plus de dégâts possible, mais aussi de façon à ce qu’on ne puisse repérer leur provenance, auquel cas tout le stratagème tomberait à l’eau. Comment faire pour les envoyer en direction des voitures, cibles choisies par Roxane fort judicieusement, sans que cela ne se remarque ? Réponse : en se servant des particularités du terrain, et le terrain, c’était une tente de toile… Rapidement, toutes les deux se saisirent d’un couteau, et entreprirent de découper de larges carrés dans le toit de la tente, ouverture par lesquelles elles pourraient facilement jeter les bouteilles. Un coup d’œil pour vérifier l’emplacement des voitures et des gardes, et le plan était enfin prêt. Ne restait qu’à le mettre en application… |
|
| Des mains. Ses propres mains. Deux mains tremblantes ensanglantées, voilà l'image qui défilait devant les yeux de Stella, qui bien que transie d'horreur ne pouvait les en détacher, comme si elle avait été hypnotisée. Ou tout simplement, qu'elle ne voulait pas croire à ce qu'il s'était passé... Oui voilà, tout ça n'avait été qu'un rêve! Un mauvais rêve, une mauvaise farce, une blague qui n’avait rien de drôle… Mais revenons en arrière, histoire de voir ce qui avait tant choqué la pauvre Stella au point qu’elle ne puisse y croire… Tout s’était déroulé comme prévu, jusqu’à la fin du discours du lieutenant de la Corporation, Roxane et elles n’avaient guère eu de difficultés à s’approcher de l’estrade, et à faire mine d’être plus qu’intéressées par ses paroles – Roxane bien mieux que Stella évidemment, qui ne pouvait s’empêcher d’avoir une certaine retenue et des joues toutes roses – pour finir par s’intéresser au lieutenant tout court. Roxane avait d’ailleurs fini par lancer une œillade assassine, assortie d’une phrase qui avait agis comme un sésame, et ouvert une brèche dans la colonne de gardes qui protégeaient le gradé, Stella se contentant de suivre son aînée dans l’art de plaire et d’emberlificoter les hommes d’un simple battement de cils suggestif. Bref, tout s’était déroulé à merveille, et la jeune infirmière en était plus qu’étonnée. Jusqu’au moment décisif… Le pistolet tranquillisant avait fait son office, malgré les frémissements qui parcouraient l’ensemble du corps de Stella, et leur cible s’était effondrée, sous les yeux de ses gardes. Suite à quoi, Stella les avait écarté, arguant de ses connaissances médicales – mine de rien, elle avait rempli ce rôle à merveille, avec sa conscience professionnelle habituelle – et demandé à ce qu’on lui laisse un peu de place. Enfin bref, les deux jeunes femmes avaient réussi à se retrouver seules avec lui, ne restait plus que le plus difficile : l’extraction sans se faire repérer. |
|
| A présent, seul un murmure parcourait la foule, seul remous sur la marée humaine qui s'était amassée devant le modeste échafaudage de bois. Mais pour peu qu'il soit modeste, reflétant en cela le village et ses alentours, il n'en accueillait pas moins quelques accessoires technologiques, puisqu'un pupitre sur lequel était posé un micro attendait le discours du chef de ce détachement. Et il fallait bien un micro pour que la voix puisse être entendue par tous, tant la foule semblait augmenter encore à chaque seconde. Stella n'aurait jamais cru qu'il pu y avoir tant de personnes juste pour écouter cet homme. Ce n'était pas anodin, comme l'avaient pensé les dirigeants, ça cachait bien quelque chose. Le silence presque religieux augurait le bon accueil que ne manquerait de recevoir ce message anti-Shinra véhiculé par les corporatistes. Bien que l'infirmière se fiche éperduement de ces questions de pouvoir entre multinationales ou "maffias", elle se trouvait au coeur de l'intrigue, et devait donc agir en conséquence. Agir comme une Turk qu'elle était, et faire tomber cet homme qui allait apparaître dans le traquenard préparé pour lui. Ca ne l'enchantait guère, mais la jeune femme si timide avait réussi à se calmer en ne se focalisant que sur une seule chose : réussir la mission, gravir les échelons, pour pouvoir arriver à ses fins si personnelles... Petit grésillement sonore du micro, qui fit sursauter la foule, mais n'en baissa pas moins son attention focalisée sur le pupitre. Derrière lui, soulevant le lourd rideau noir qui occultait l'arrière de la scène, vint bientôt se placer la personne tant attendue, et l'impression que la foule entière avait entrepris de retenir son souffle s'imposa à la jeune infirmière. Il faut dire que la mise de l'homme était assez impressionnante. De haute stature, il dardait ses yeux sur les villageois venus en masse, yeux étranges, dont l'un était bleu, et l'autre, d'un roge profond qui n'avait rien de naturel. En dehors de cela, on pouvait dire de lui que c'était un homme séduisant, avec ses cheveux bruns, coiffés en brosse stricte, et un visage volontaire, qui imposait d'emblée. Un homme d'une trentaine d'années qui rien que par sa présence pourvait captiver une foule. Tandis qu'il s'approchait du pupitre, un petit bruit métallique, ne provenant pas cette fois d'une résonnance éléctromagnétique, se faisait entendre, et on devinait à sa démarche un peu lourde que c'était probablement dû à une autre perte que celle de son oeil. Sa jambe gauche trainant un peu, elle devait être constituée d'une prothèse métallique dernier cri, recouverte par son uniforme militaire rouge foncé, presque pourpre, tiré à quatre épingles. L'austérité de sa tenue était encore soulignée par les bordures noires et des pans de tissus qui flottaient derrière lui, ainsi que par un plastron de même couleur. L’homme ne daigna même pas saluer la foule, préférant commencer son sermon en s’appuyant de tout son poids sur le pupitre pour allumer une cigarette. Après quelques bouffées il entama son discours. « La plaine sent la mort… » Il laissa le temps à ces quelques mots de résonner dans le crâne de chaque homme et de chaque femme pendus à ses lèvres avant de poursuivre. « N’ais-je pas raison ? Plus rien ne vit ici… Vous qui peuplez Sevarel et ses alentours, vous vivez la mort de votre sol. La nature dépérit, et vous suivez sa décadence. Un jour prochain vous succomberez à la faim ou la maladie, sans avoir compris le pourquoi de ce mal, sans avoir eu l’occasion de prendre une revanche sur cette misère. Je vois votre détresse, je vois la lueur dans vos yeux qui demandent des réponses et qui réclament la vengeance. Mais certains préfèrent fermer les yeux. La mort de vos enfants est une tragédie, mais pour eux ce n’est qu’une statistique de plus… Ils sont responsables de ce qui se passe ici, c’est à eux qu’ils faut demander des comptes. Qui est-ce me direz-vous ? Qui sont ces personnes ? Qui payera pour le sang versé ? Une bande de fonctionnaires dégénérés qui ne se soucient guère du monde entourant leurs immeubles ! La Shinra ! La Shinra est venue implanter cet immonde réacteur, et depuis qu’il a explosé voyez ce qui arrive à votre région ! Vous vous mourrez pour des chiffres sur des relevés bancaires au bon plaisir de ces exploiteurs ! Mais il n’est pas trop tard, non, la Shinra n’est pas un dieu. C’est un château de cartes, que l’on fera s’écrouler étage par étage si il le faut ! La Corporation vaincra ! » La foule galvanisée par ce discours de cet homme posé qui n'en était pas moins enflammé, reprit le slogan en hurlant de longues minutes durant… |
|
| "tu vois Stella, c'est bientôt à nous de jouer... détend toi, tu en es capable, et rappel toi que, si nous avons des ennuis, notre amie la blonde avec son manche à balai dans le cul est là ^^ " Roxane avait dit cela tout bas, dans le creux de l'oreille de sa coéquipière. Aux yeux de tous, cela aurait pu passer pour de simples messes basses entre copines, qui se disaient sans doute quel garçon elles préféreraient. C'est à ce moment là qu'il y eu un grand silence. Le discourt allait commencer. |
|
| Etait-ce son sourire, ou ses "arguments" qui attirèrent l'oeil des gardes? En tout cas, ce n'était pas une quelconque suspicion à son égard, car ces regards - si tant est qu'on puisse percefoir leurs yeux à travers leur casque intégral high-tech - ne furent pas accompagnés de quelque question que ce soit. Et Stella, a ses côtés, ne faisait pas encore tourner les têtes, mais elle s'employait déjà à être la moins nerveuse possible, et ça n'avait pas l'air de trop rater. Avec Roxane, cela semblait presque facile de se détendre, malgré les mitraillettes qui pendaient au côté de le vingtaine de gardes qui patrouillaient autour de la tribune. Bientôt, les murmures de la foule qui continuait à grossir se turent progressivement, quand il sembla que les grades s'agitaient. Le moment où leur chef allait faire son discours approchait. |
|
| Mais bientôt, le souhait de Roxane fut exaucé, car la foule qui attendait patiemment devant une modeste tribune en bois, certainement construite par les villageois eux-même, s'enfal progressivement, au fur et à mesure que d'autres personnes arrivaient, sans doute de villages voisins. Et Stella en fut soulagée. Elle qui d'habitude n'aimait pas la foule, cette fois-ci l'appréciait, pour sa faculter à la cacher aux yeux des soldats corporatistes, et parce qu'elles paraîtraient mojns suspectes que s'il n'y avait eu que les gens de ce village, qui probablement se connaissaient tous. Elles pouvaient passer pour des villageoises venant d'ailleurs. Bien, maintenant qu'elles étaient en plein dedans, il ne fallait pas se dégonfler... Respirer doucement, calmement... et se faufiler dans la foule. "On devrait essayer de se mettre au premier rang, pour être au plus près de notre cible... " chuchota Stella en désignant un endroit où la foule s'écartait un peu. Cela leur laissait juste assez de place pour passer et se retrouver devant la barrière de sécurité. Et quelle sécurité, puisqu'elle était aussi en bois... Mais les gardes eux, armés jusqu'aux dents, n'étaient pas en bois du tout... |
|
| Stella aurait volontiers éclaté d’un rire nerveux si ça ne l’avait pas mise au centre de l’attention. Que répondre à cela ? Elle n’en savait rien. Sa bouche était sèche, ses jambes tremblaient légèrement… autant de signes qui faisaient dire que la jeune femme avait quelque peu peur de ce qui les attendaient, Roxane et elle. Cependant, elle réajusta ses lunettes, qui avaient tendance à glisser quand elle fixait le sol avec insistance comme maintenant, et redressa la tête. Il lui suffisait de penser à ce pour quoi elle avait intégré les Turks pour avoir un regain de confiance en elle. "Je crois que oui… il suffit juste qu’on se fasse pas repérer, et ça passera comme une lettre à la poste non ?" Effectivement, si le plan était bien suivit, cela devrait se passer sans anicroches. Il n'y avait aucune raison de penser que ça se passerait mal. Rixane était un très bon professeur, et Stella devait lui faire honneur.
"Si vous êtes prêtes, mesdemoiselles, fit Mina en prenant délicatement la faux entre ses mains, vous pouvez y aller à présent, je ne serais pas loin de vous." Encouragée par ses pensées positives, Stella essaya d'offrir un sourire à Roxane, encore un peu timide, avant de prendre le chemin de l'entrée du village en compagnie de la jeune femme. Sevarel, un petit village, avec peu d'habitants certes, mais pas encore désert. Pourtant, c'est ce qui frappa Stella dès qu'elle posa le pied à l'entrée de ce village : il ne semblait y avoir âme qui vive. Les portes étaient fermées, les boutiques aussi, personne dans la rue, aucun bruit ne venant d'aucune des maisons... Seul un léger bourdonnement, comme un bruit de fond sourd, parvenait à ses oreilles, provenant de droit devant elles, dans le prolongement de la grand rue. "Ils doivent tous être réunis... sur la place du village j'imagine..." |
|